Témoignage du commandant Louis Primaux 2Bat 7Cie
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Né avant le siècle, Louis
Primaux faisait son service militaire au moment du déclenchement de la Première
Guerre mondiale.
Sous-lieutenant en 1918, il avait gagné six citations et la croix de
chevalier de la Légion d'honneur.
Après la guerre, il continua une carrière militaire, servant comme
lieutenant et capitaine aux 1er et au 2eme
régiments étrangers.
En garnison à Soissons à la déclaration de guerre, il participa, avec le
12eme R.E.I., à la défense de la ville.
Blessé le 14 juin 1940, il fut fait prisonnier.
Après la guerre, il quitta l'armée active avec le grade de commandant.
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Acheminé vers le front par
le train, puis par des autobus parisiens, le 2eme bataillon du
12emeR.E.I. débarque en lisière nord-est de la forêt de Villers-Cotterets, au lieu-dit «Verte-Feuille».
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24-05-1940
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C'est là qu'il reçoit sa
mission, le 24 mai 1940:
«Occuper la ville de Soissons et en interdire l'accès à l'ennemi, entre
Villeneuve-Saint-Germain à l'est et le pont de Pasly
à l'ouest».
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Le jour même, le chef de
bataillon, son adjoint, le lieutenant Masselot,
et le capitaine Primaux font les reconnaissances préalables. Le lendemain
à 4 heures, le 2eme bataillon quitte la région de Verzy, où il
bivouaquait, et rejoint ses positions à dix kilomètres plus au nord.
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La 7eme compagnie
est au centre du dispositif, en pleine ville de Soissons.
Elle doit interdire tout franchissement entre la passerelle des Anglais et le pont du chemin de fer.
La 5eme
compagnie est à l'est et tient Villeneuve-Saint-Germain,
tandis que la 6eme,
à l'ouest, défend l'accès du pont
de la route de Laon et du pont
de Pasly.
Dès son arrivée sur les
bords de l'Aisne, le 2eme bataillon commence les travaux de
défense. De jour, quand l'aviation ennemie ne se manifeste pas, et
surtout de nuit, armés de pioches, les légionnaires creusent les
emplacements de combat. Les bombardiers ne leur laissent guère de répit
et infligent au bataillon ses premières pertes sérieuses.
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06-06-1940
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Le 6 juin, les dernières
unités qui combattaient au nord de l'Aisne se replient et le génie fait
sauter les ponts, certains d'ailleurs incomplètement, et sur lesquels
l'infanterie pourra passer.
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06-06-1940
07-06-1940
Nuit
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Dans la nuit du 6 au 7
juin, le 2eme bataillon entre en action. L'ennemi, appuyé par l'artillerie,
tente de franchir la rivière en plusieurs endroits. Les tirs d'armes
automatiques et de grenades à fusil durent toute la nuit. Chaque
tentative est repoussée vigoureusement, mais la 7eme compagnie
doit évacuer plusieurs blessés, dont l'aspirant Loisel, chef de section.
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07-06-1940
L’aube
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Le 7juin à l'aube,
l'aviation allemande multiplie ses interventions. Les Stuka piquent avec
un bruit de sirène désagréable et lâchent leurs cargaisons de bombes.
Mais de nouvelles tentatives de franchissement échouent encore.
Dans la matinée, des
éléments d'infanterie, qui s'étaient infiltrés jusqu'à l'entrée nord du
pont de chemin de fer, incitent par hauts-parleurs
les légionnaires à se rendre.
La 7eme compagnie répond par une bordée de grenades à fusil et
oblige les assaillants à s'enfuir.
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Toute la journée, la
compagnie se bat et interdit toute avance ennemie. Elle n'a plus de
liaison avec le P.C. du bataillon, ni avec les unités voisines. Les
demandes de renseignements restent sans réponse.
Dans l'après-midi, la
pression ennemie s'accentue et le capitaine Primaux, informé par les
bruits de la bataille, a l'impression d'être débordé tant à l'est qu'à
l'ouest de Soissons.
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07-06-1940
17h00
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Vers 17 heures, le
capitaine Fordes, commandant la 5eme
compagnie, passe à son P. C. et lui dit qu'il a reçu l'ordre de se
replier. Perplexe, le capitaine Primaux envoie son dernier agent de
transmissions au P.C. du bataillon à Belleu,
pour y chercher des renseignements et des ordres.
Pendant ce temps, la bataille
fait rage. L'ennemi a déjà franchi l'Aisne à Villeneuve-Saint-Germain et
dans la région de Pasly. On entend les bruits
d'engins motorisés qui ont dépassé nettement nos propres posi¬tions. L'étau se resserre et l'encerclement est
imminent.
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07-06-1940
19h00
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Vers 19 heures, la 7eme
compagnie manque de munitions. N'ayant plus de liaison avec quiconque, le
capitaine Primaux décide de quitter ses positions et de tenter de
rejoindre le régiment, en évitant les éléments ennemis qui l'ont déjà
nettement débordé.
Le repli s'effectue sans
trop de dégâts à travers la ville. L'intention du commandant d'unité est
d'atteindre Berzy-le-Sec, ancien P.C. du
régiment. L'aviation est toujours très active et ralentit beaucoup la
progression de la compagnie.
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07-06-1940
21h00
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Vers 21 heures, la section
de tête atteint Berzy et n'y trouve personne.
L'isolement est total.
Le capitaine ignore tout de
la situation des autres unités du régiment, ainsi que de la direction
prise par le P. C. de son bataillon. Il pense un instant organiser la
résistance surplace, le terrain étant favorable. Mais sa solitude et la
pénurie de munitions le contraignent à renoncer à ce projet.
Il décide alors de
continuer sa progression vers le sud, en profitant de la nuit pour
rejoindre les lignes amies.
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08-06-1940
02h00
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Le capitaine Primaux est
depuis quelques années à Soissons et connaît très bien la région. Cela
lui permet d'éviter les villages qui sont déjà aux mains de l'ennemi. A 2
heures du matin, il prend contact avec les premiers éléments de son
régiment, dans la région de Villers-Hélon.
Quelques instants plus tard, il est conduit auprès du colonel.
-Je suis content de vous
voir, Primaux. J'ai transmis l'ordre de repli aux différentes unités.
L'exécution en était fixée à 10 heures du matin, hier.
-Je ne l'ai jamais reçu,
mon colonel. J'ai quitté Soissons à 19 heures. -Bien ! Allez-vous
reposer, car nous repartons dans peu de temps.
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Une heure plus tard, ce qui
reste de la 7eme compagnie reprend la route. L'Aisne, laMarne,
l'Yonne...
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Le 12eme
régiment étranger d'infanterie continuera de se battre jusqu'à
l'armistice, livrant sans désemparer des combats d'arrière-garde.
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