Histoire 2e Bataillon
Témoignage d’un ancien du 12e R.E.I., appartenant au Bataillon FRANQUET [2Bat], en tant que télémétreur affecté aux engins, raconte ce qui suit:
« Le régiment remonte à pied jusqu'à Soissons, croisant des évacués. Notre section prend position à Belleu près de Soissons, le canon de 25, où je suis affecté comme tireur, est placé à 500m de l'Ailette, le mortier en amont est sur
la côte 94.
Dès le 1er juin,
les combats commencent.
Le 3 ou 4 juin, l’adjudant
FETISEFF m’envoie chercher
les ordres près du lieutenant BERTIER, je n’ai pu faire que 100 m en rampant,
j’étais trempé par la sueur. Nous ne vivons plus que de rations individuelles.
Le 6 juin, les Allemands
traversent l'Ailette
vers 18 heures, alors
que l'ordre de décrocher
a été donné à 12h30 ; presque toute la section disparaît. FETISEFF enlève la noix en bronze du canon et nous nous sauvons, nous retournant de temps en temps pour tirer au mousqueton. Un homme nous dit « j’ai mon compte
», il tombe, le sang coule de l’oreille, un cuisinier plante son couteau dans le ventre d’un
allemand.
Du 7 au 10 juin, nous nous replions jusqu'à la Marne, l’adjudant
BRENNER, à qui je viens
de passer un blessé
pour m'occuper d’un autre, tombe la gorge ouverte par un éclat d'obus. Un midi, alors que nous venons de nous reposer, nous sommes attaqués au bord d'un bois, un quart d’heure
de combat, j’abats un allemand au mousqueton. Il faut décrocher et courir pendant 3 Km, pour atteindre
un camion. Le capitaine
CHATENET Capitaine
adjudant-major, à la porte d'un
café nous sert à boire et nous indique la route.
Le 10 Juin, nous atteignons la Marne, nous cantonnons sur la rive droite.
Le 11, nous traversons la Marne, puis les
ponts sautent. Nous prenons positions près de la voie ferrée sur une crête,
prés de la gare de Nanteuil
Sancy.
Le lieutenant MAUDUIT a reconstitué une section avec 2 mitrailleuses, je suis agent de liaison.
Le 12 juin 1940, il est chargé de défendre un embranchement de routes et un
pont à Crouy-sur-Marne.
Dès le 12 au matin, le combat
commence, il pleut, nous sommes harcelés par les tirs allemands et l'artillerie française qui tire trop
court. L’avion « mouchard
» vole au dessus de nous. Vers 16h00, les mitrailleuses
sont enrayées, le lieutenant m'envoie chercher les ordres près du Capitaine CHATENET, il me faut courir pendant environ 300m sur la voie ferrée. Le capitaine CHATENET, commandant le
bataillon depuis le 8 juin, me dit : « tu connais
les ordres, tenir jusqu’au bout, sans esprit de recul, tu sais ce que cela veut dire
». Je rapporte les ordres
au Lieutenant MAUDUIT qui,
sans autre défense, prie pour ses hommes et son pays.
Son groupe tient bon, les Allemands ne passent pas. Mais les autres groupes qui le flanquent ont cédé. MAUDUIT est cerné avec ses hommes. Vers 19h00, les Allemands traversent la
Marne, les hommes décrochent,
je tire encore au mousqueton. Puis nous descendons sur la voie ferrée, un éclat que je crois plus grave m’atteint au
mollet, le lieutenant, est blessé à la main, je crois que c'est la droite. Les Allemands nous encerclent, les hommes demandent au Lieutenant de se rendre. Il doit le
faire. Il est fait prisonnier à Nanteuil le 12 juin 1940. L'officier allemand auquel il doit rendre
ses armes lui rend les honneurs. Durant 3
jours, il s’occupe encore de ses hommes puis du coté de la ville de Villiers Cotteret, il leur dit au revoir. Près
de la Marne, on nous fait vider
nos poches et débarrasser de nos cartouchières, puis nous avons traversé la Marne sur des canots pneumatiques.
Nous avons dormi dans une grange. Le lendemain matin, j'ai vu à ma droite un homme bien amaigri, la barbe avait poussé, il portait une veste de cheminot, je ne l'ai reconnu qu'à la voix, sa voix forte, il m’a dit, « Mon vieux
DELESTRE, j’ai honte,
si je n'avais pas été croyant je me serais suicidé ». Vers 12h00 un
officier allemand est venu le saluer,
il portait encore ses galons sur son casque. On lui a fait un pansement à la main.
Le 3ème jour, je crois
que c’est du coté de Villers Cotteret, le lieutenant est venu me dire au revoir, Il partait avec d'autres officiers.
Monté sur l’Aisne
pour assurer la défense
de Soissons et de ses environs, le 12° REI eut à subir des combats très intenses du 6 au 14 juin 1940, pour tenir
ses positions d’abord, puis en reculant pied à pied face aux allemands.
Fait prisonnier le 12
juin, le lieutenant MAUDIT se retrouve
en captivité à l’Oflag
V A de Weinsberg (près
de Stuttgart), dans le même
OFLAG que le médecin lieutenant Guy
FRIC, médecin de son
bataillon.
Ce dernier entrera également
dans la résistance en Auvergnes
après s’être évadé.
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