HISTOIRE
de la
PREMIERE ARMEE FRANCAISE
Rhin et Danube

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«claire». Et les conséquences de ces infiltrations sont sérieuses: non seulement le ravitaillement du C.C.1 et du C.C. 3 a été interrompu pendant toute la journée, mais le C.C.2 obligé de faire marche arrière, ne peut aller relever le C.C.3 à Mulhouse et le décharger des missions de nettoyage dans lesquelles il s'attarde, au détriment d'une exploitation vers le nord.

Pour compléter ce tableau de la situation dans le secteur de la 1re Division Blindée en cette fin de journée du 21 novembre, il reste à dire le rôle joué par le 1er Régiment de Spahis Algériens, enlevé le 19 au groupement Molle et mis à la disposition du général du Vigier qui l'emploie à couvrir son flanc sud.
Le 20 à 4 heures du matin, il s'est engagé au delà de Moernach, atteint la veille au soir par Dewatre, vers Ferrette et Huningue. Il ne lui en a coûté que quelques bandes de mitrailleuses pour disperser les isolés et les garde-frontières rencontrés sur son chemin. Dès midi, il est devant Saint-Louis.
Deux ou trois compagnies d'un Alarm-Bataillon ne résistent pas devant les blindés du colonel Bonvalot. Mais elles se replient sur Huningue, plus solidement tenu. La première automitrailleuse qui s'en approche est détruite et les ponts sur le canal sautent avant que les Spahis aient pu s'en emparer.
Dès lors, malgré des tentatives répétées, les blindés doivent s'avouer impuissants à franchir les derniers 1500 mètres qui les séparent encore du Rhin. La prise de Huningue et de Village-Neuf exige infanterie et artillerie. Elle ne sera réalisée que le 30 novembre et ce seront les Marsouins du 6e R.I.C. qui réduiront cette ultime tète de pont nazie

dans le sud de l'Alsace.

c) L'engagement de la 5e D.B.

Que s'est-il donc passé pour que l'ennemi ait repris pied vers Courtelevant par où, pourtant, toute une Division blindée avait pu passer?

« 5e D.B.: tête de pont à Fontaine» Durant toute la journée du 19 novembre, durant toute la nuit du 19 au 20 novembre, je n'ai cessé de répéter ce leit-motiv qui résume tous mes espoirs d'une rapide poussée vers Cernay, de la consolidation définitive du couloir de Seppois - et aussi de la chute accélérée de Belfort tourné par l'est. Dans son Ordre Général d'Opérations no 14 du 19 au soir,

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le généra1 Béthouart a donné au généra1 de Vernejoul, commandant la 5e D.B. l'ordre « de pousser sur l'axe Fontaine-Cernay après avoir franchi l'Allaine a Grandvillars et si possible à Mervillars... L'irruption rapide de la 5e D.B. sur Cernay, de même que celle de la 1re D.B. sur Mulhouse con ditionne tout le succès de la campagne d'Alsace -.

La 5e D.B. brûle d'autant plus de s'élancer que, pour la première fois, depuis son arrivée en France, elle va être engagée en tant que grande unité. Bien loin de redouter la battaille, elle a plutôt la crainte d'arriver après la battaille.

La Wehrmacht n'est-elle pas en pleine déroute? Il faudra galoper pour en rejoindre les débris...

Cet optimisme inspire des ordres et des formations qui sous-estiment quelque peu la force de résistance du rude adversaire qu'est l'Allemand. Dans sa hâte de trouver le contact, le général commandant la 5e D.B. décide de découpler des éléments d'« exploitation» constitués par le 1er Régiment Étranger de Cavalerie, (1er R.E.C.) une compagnie du R.M.L.E., une section du génie et un escadron de Shermann du 1er Chasseurs d'Afrique. Conduit par le colonel Miquel, commandant du R.E.C., ce «Groupement de Reconnaissance» se portera « par Montbéliard et Grandvillars dans la région de Fontaine - Foussemagne après avoir forté, si nécessaire, et rétabli le passage du canal dans la région de Montreux- Vieux».

Après quoi, il agira sur l'axe La Chapelle - Cernay - Isenheim - Neuf-Brisach, sans manquer d'éclairer sur Guebwiller et sur tous les débouchés des Vosges jusqu'à hauteur de Colmar...
Derrière Miquel, le C.C.5 se portera vers Maseveux pour verrouiller les directions de Giromagny et du Ballon d'Alsace, le C.C.4 suivra la nationale 83 jusqu'à Cernay et le C.C.6 se découplera parallèlement à lui à l'est de cette route, vers Bernwiller et Wittelsheim.

20.11.1944

Le 20 novembre, le gros du groupement Miquel quitte Dampierre-les-Bois à 6 heures et franchit l'Allaine à Grandvillars. Presque aussitôt après Froidefontaine, il est salué de coups de mortiers partis du nord du canal. Il parvient néanmoins à Brebotte, où il relève les éléments du C.C.2 qui l'occupent, et à Bretagne.
A peine y est-il arrivé qu'il y est sérieusement pris à partie. Avant qu'il ait pu s'avancer vers Montreux, le pont sur le canal saute mais il n'est que partiellement détruit. Des auto-mitrailleuses essayent donc de le franchir, malgré le tir des

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armes automatiques installées dans les maisons avoisinantes. Elles font quelques prisonniers, S.S. et grenadiers de la 198e Division descendue précipitamment des Vosges, mais ne peuvent parvenir sur la rive nord du canal. Il devient obligatoire de monter une attaque. Celle-ci est déclenchée à midi trente. Un de nos canons d'assaut est démoli alors qu'il s'approche du pont à demi ruiné. Deux automitrailleuses qui cherchent à le contourner s'enlisent et achèvent d'obstruer le passage.

Pourtant les légionnaires de la 3e Compagnie du R.M.L.E. et le commando du « Peloton Spécial » de la 5e D.B. traversent à la nage le canal et le ruisseau Saint-Nicolas qui le double. La réaction ennemie est terriblement vive. Le capitaine Quillet, commandant de la compagnie, son lieutenant, son adjudant sont tués. Un sergent-chef regroupé les survivants - une trentaine d'hommes - et avec eux détruit un canon, fait plusieurs prisonniers et entre à la mairie de Montreux.

Mais, brusquement, l'ennemi contre-attaque. Un bataillon, peut-être deux, tombe sur cette phalange héroïque. Hélas! Les légionnaires sont réduits à la valeur d'une section pratiquement sans soutien, alors que j'avais prescrit pour cette opération primordiale l'engagement, au minimum, d'un bataillon et d'un groupe d'artillerie... Le repli s'impose. Les légionnaires laissent dans cette affaire de Montreux 34 tués ou disparus et le « Peloton Spécial » 8 morts.

A plusieurs reprises, le colonel Miquel a réclamé de sa division des renforts. Malheureusement, ceux-ci sont bien en peine d'arriver. Dans leur optimisme en effet, - la 1re D.B. ne court-elle pas à la même heure sur Mulhouse? - les états-majors du 1er C.A. et de la 5e D. B. ont estimé que le débouché du C.C.5 puis du C.C.4 au delà du canal du Rhône au Rhin s'opérerait sans difficulté et qu'il n'était pas nécessaire d'imposer sur la route Montbéliard - Grandvillars - Montreux des mesures de circulation particulières.

Mais le blocage du groupement Miquel se répercute jusqu'à l'Allaine et, dès Grandvillars, les itinéraires sont encombrés par ses véhicules, ainsi d'ailleurs que par ceux du C.C.2 qui n'ont pas encore dégagé la région de Brebotte, Grosne et Vellescot. La tête du C.C.5 n'avance que par à-coups et tous les éléments qui bourrent vers l'avant ne tardent pas à se télescoper. Bientôt, sur la route de Montbéliard à Grandvillars, s'allonge une longue file compacte de véhicules immobilisés.

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Tout essai de faire débotter des unités d'infanterie ou d'artillerie, qu'il faudrait pousser vers Bretagne, se traduit par des enlisements dans les champs détrempés et des emboutil-elages supplémentaires.
A la chute du jour, cependant, des éléments du C.C.5 finissent par arriver à Bretagne ou Miquel a dû s'enfermer et où il est durement pressé. La situatio, s'y rétablit peu à peu - mais l'occasion est manquée...
Non seulement la tête de pont de Fontaine n'a pas été créée mais l'ennemi a eu le temps de reprendre l'initiative. Des reconnaissances le trouvent installé dans les bois de Chavannes-les-Grands et de Suarce. Derrière le canal dont il a gardé la maitrise, des divisions accourent et des blindés...
Cet échec compromet la réalisation de mes espérances. II s'agit de les ressaisir.

Par des routes affreusement encombrées, j'arrive jusqu'à Dampierre où j'ai convoqué, pour 21 heures, Béthouart, du Vigier, de Vernejoul, Magnan et Kientz.
La première chose à faire est de sortir la 5e D.B. de son impasse et, pour cela, de lui donner de l'air. Le C.C.2 devra done dégager toute la rive droite de l'Allaine et la 1re D.B. accorder priorité sur tous les ponts, y compris celui de Delle, aux colonnes de la 5e. Il en résultera évidemment une gêne pour du Vigier mais la manœuvre d'Armée impose cette hiérarchie dans les urgences.

Ainsi débloquée, la 5e D.B. devra s'ouvrir la direction de Cernay et de Colmar, tandis que la 1re D.B. poursuivra son exploitation sur Chalampé, Brisach et les ponts du Rhin.

Toutefois, j'envisage une variante pour le cas où le passage du canal du Rhône au Rhin s'avérerait trop dur: dans cette hypothèse, la 1re D.B. se rabattrait de Mulhouse vers Cernay et la 5e viendrait alors se substituer à elle à Mulhouse pour remonter la plaine d'Alsace au plus près du Rhin.
De toutes façons, la 9e D.I.C. continuera à assurer la couverture du flanc gauche du 1er Corps sur le canal, à l'exception d'un R.C.T. qui passera aux ordres de la 1re D.B. pour tenir le Rhin de Bâle à Kembs.

Mais, le 21 novembre, le C.C.5 dont le colonel Mozat a pris le commandement le matin même, ne peut encore que s'employer progressivement. Partout, aux alentours de

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Suarce et de Chavannes où une section du 9e Zouaves est presque anéantie, il trouve un ennemi installé en force.
Devant le C.C.4, comme nous le savons déjà, la situation est encore moins favorable. Quand il finit par traverser l'Allaine à Delle et qu'il s'avance vers Courtelevant, le combat y fait rage. Son intervention, précédant de peu celle du C.C.2 que nous avons précédemment signalée, permet de rejeter l'assaillant de part et d'autre de la route Delle-Saint-Louis (Nationale 463), mais Suarce et Lepuix ont dû être abandonnés sous la pression d'un régiment feldgrau et de Jagdpanther, par les faibles éléments coloniaux du R.I.C.M. qui y attendaient nos chars. Tout ce que le C.C.4 peut faire est debloquer l'avance ennemie devant Faverois.

Une sérieuse menace se dessine donc, dès cet après-midi du 21 novembre, contre nos lignes de communications avec le Rhin et Mulhouse. C'est une véritable bataille que le 1er Corps d'Armée va avoir à livrer pour en assurer la liberté.

Mais, avant d'en retracer les péripéties et pour donner une exacte vue de l'ensemble de notre situation, il est nécessaire de jeter sans plus attendre un regard sur le front du 2e C.A. et d'inqiquer succinctement les résultats acquis à notre aile gauche par le général de Monsabert.

d) L'action du 2e Corps d'Armée du 14 au 22 noçembre.

Alerté le 11 novembre, actionné le 16, le 2e Corps ne se met effectivement en mouvement que le 19.
Réduit à la 1re D.F.L. et à la 3e D.I.A. sans autre renforcement que quelques régiments F.F.I. et étalé sur plus de 60 kilomètres, il est, en effet, tributaire de ses voisins, le 1er Corps d'Armée et, dans une moindre mesure, la 7e Armée américaine.

A partir du 17 novembre, divers indices relevés devant la 1re D.F.L. font penser que l'ennemi s'apprête à décrocher ou, du moins, qu'obligé de prélever à la hâte des unités pour les porter devant le 1er Corps il allège considérablement son dispositif.

Brosset charge le Corps Franc Pommiès et le 1er Régiment du Morvan du colonel Chevrier-Sadoul de maintenir le contact dans la région du Thillot et de Miellin. Mais c'est plus au sud qu'il a ordre de faire effort, en donnant la main au groupement Molle.

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